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les antinomies entre l’individu et la société

Ces deux aspects de l’intelligence sont réels. Les philosophes, suivant la pente de leur esprit, ont insisté sur l’un ou sur l’autre.

Un Auguste Comte subordonne entièrement l’intelligence à la sociabilité. Il s’oppose de toutes ses forces à l’individualisme intellectuel ; il veut faire cesser l’anarchie des pensées et des croyances. D’après lui, l’intelligence est orientée, de par sa constitution même, dans le sens de la sociabilité. La loi de la pensée individuelle est de s’intégrer dans la pensée sociale. Les lumières croissantes que l’homme acquiert sur le monde et sur lui-même sont propres à le persuader de plus en plus de la nécessaire subordination de l’intelligence à la sociabilité. La science est une enseigneuse de solidarité ; elle réduit en nous l’importance du côté subjectif de notre nature en la subordonnant aux immuables nécessités extérieures. « Elle diminue l’indécision, l’inconséquence et la divergence de nos desseins quelconques en rattachant à des motifs extérieurs celles de nos habitudes intellectuelles, morales et pratiques qui émanèrent d’abord de sources purement intérieures[1]. » La science multiplie les actes de foi nécessaires à la vie sociale. En nous familiarisant avec l’idée d’un ordre naturel, elle nous prépare à accepter l’idée d’un ordre social. Il y a plus. Il n’y

  1. Système de la politique positive, Discours préliminaire, p. 23.