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les antinomies entre l’individu et la société

l’existence d’une vérité objective susceptible d’unifier les intelligences.

A première vue, l’existence d’une vérité objective ne semble pas incompatible avec le pragmatisme. Admettre avec Nietzsche que les principes les plus généraux de la pensée sont l’expression d’une utilité spécifique et héréditaire ; avec M. Poincaré, que les mathématiques elles-mêmes relèvent du principe de commodité ; bref admettre que notre connaissance est tout entière fonction de notre utilité vitale ou de notre utilité intellectuelle, cette dernière n’étant elle-même qu’une forme de notre utilité vitale, admettre, dis-je, tout cela, ce n’est pas compromettre l’objectivité de la vérité scientifique. Car l’utilité dont dérivent les principes de la pensée semble aujourd’hui suffisamment stable pour qu’on soit fondé à tenir ces principes pour définitifs.

Toutefois un doute reste possible au sujet de cette objectivité. Même quand il s’agit des propositions les plus générales, sur lesquelles semble se faire l’accord de tous les individus, on considérera que, d’après l’hypothèse pragmatiste, ce n’est pas la vérité objective d’une proposition qui impose cette proposition aux différents esprits ; mais c’est la conformité psychologique de ces esprits eux-mêmes qui les oblige à suivre une même vérité. Et ce n’est que dans la mesure où cette conformité psychologique existe