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l’antinomie dans la vie intellectuelle

point de vue de l’intuition, je ne dois pas parler de la vérité ; je dois dire, avec Stirner : « Ma vérité. »

Mais, dira-t-on, n’y a-t-il pas une vérité objective au nom de laquelle un groupe peut s’arroger le droit de discipliner intellectuellement l’individu et d’exiger de lui une pleine et entière soumission d’esprit ?

Nombre de philosophes ont admis l’existence d’une semblable vérité. C’est pourquoi, avant d’aller plus loin, nous devons examiner leurs prétentions.

On peut distinguer deux définitions de la vérité : l’une dans laquelle on définit la vérité en termes purement intellectuels (parfaite clarté et distinction des idées, accord de la pensée avec les choses, accord de nos jugements entre eux). C’est la définition intellectualiste ou rationaliste. L’autre, dans laquelle on définit la vérité en fonction de soin utilité humaine, de son efficacité pratique. C’est la définition pragmatiste. Mais, qu’on la définisse en termes intellectualistes ou en termes pragmatistes, l’idée de vérité semble capable d’assumer un rôle social : celui d’un principe unificateur des intelligences, d’un principe de discipline intellectuelle et de cohésion sociale. L’idée de vérité a été de tout temps la citadelle des dogmatismes sociaux, la pierre angulaire