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les antinomies entre l’individu et la société

n’a de sens pour nous qu’à la condition de s’alimenter à la source de la vie, dans notre sensibilité personnelle, dans notre personnelle manière de sentir et de réagir, dans nos passions, nos joies et nos douleurs, dans toute notre nature sensible, spontanée et primesautière. À partir de l’instant où l’intuition s’éloigne de cette source personnelle pour se hausser et se guinder vers l’idée pure ou l’acte pur ou quelque autre révélation transcendantale, elle se perd, qu’on le veuille ou non, dans l’abstraction et le verbalisme. Elle sert simplement à échafauder de vains édifices dialectiques. Il faut remarquer que l’intuition transcendantaliste n’a rien à voir avec les conditions de l’œuvre d’art et du plaisir que nous cause celle-ci. Quand on parle d’un écrivain intuitif, cette expression ne signifie pas que cet écrivain nous fait pénétrer dans je ne sais quelle région où le principe d’individuation ainsi que les autres conditions de la connaissance empirique seraient supprimés ; mais simplement qu’il sait voir dans le monde donné des choses que les autres ne sont pas capables d’y voir ; cela signifie qu’il a une façon à lui, personnelle et géniale, de percevoir et de rendre le monde. Si des écrivains transcendantalistes et mystiques tels qu’Emerson ou M. Maeterlinck nous attirent si puissamment, ce n’est pas que nous leur demandions d’être pour nous des révélateurs de l’absolu, des introducteurs dans l’au-