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l’antinomie dans la vie intellectuelle

mule M. Ribot quand il oppose l’expérience affective directement sentie à la connaissance, abstraite et conceptuelle. Ici l’intuition n’est rien autre chose que l’expérience personnelle, immédiatement sentie, en tant qu’elle s’oppose à la notion inculquée. Cette intuition empirique n’exclut pas, comme l’autre, le principe d’individuation, mais le suppose au contraire ; car elle est la vision concrète, sentie et vécue, du monde social empiriquement donné, avec ses conflits de toute espèce entre des êtres animés d’intérêts opposés et de passions hostiles. Cette intuition, d’autre part, ne mutile plus notre moi individuel comme le faisait l’intuition bergsonnienne qui rejetait hors de la vie spirituelle véritable non seulement la vie sociale proprement dite, mais aussi la vie des sens et de l’imagination ; elle nous fait appréhender directement notre moi égoïste et passionné et le pose dans toute l’ardeur de son vouloir-vivre individuel en face des autres moi.

Cette dernière intuition est à nos yeux la seule intéressante, parce qu’elle est la seule que nous expérimentions véritablement en nous. L’intuition

    identité de tous les êtres, ainsi que le fatalisme mystérieux qui fait dépendre notre destinée individuelle de la destinée de l’ensemble des êtres. (Cf. Le fondement de la morale et le chapitre des Parerga intitulé : De l’apparente préméditation qui règne dans la destinée de chacun.) Nous négligeons ici, dans la philosophie de Schopenhauer, la conception transcendantaliste de l’intuition pour ne considérer que la conception empirique qui peut être gardée, croyons-nous, indépendamment de l’autre.