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l’antinomie dans la vie intellectuelle

pure s’est déroulée dans l’espace. Mais par delà cette conscience spatiale et sociale, il y a en nous le moi pur, soustrait à l’espace et aux relations sociales qui se développent dans l’espace. Et c’est ce moi profond, mystérieux ; c’est cette partie inaccessible et voilée de nous-mêmes qui constitue notre être véritable. C’est là que se passe le drame silencieux et insaisissable, intraduisible en mots, de notre existence. — Il semblerait donc résulter de cette hypothèse que toute la vie sociale restât en dehors de notre existence vraie et qu’elle dût être pour nous sans intérêt véritable comme elle est sans réalité essentielle.

N’exagérons pas toutefois le caractère asocial de l’intuition bergsonienne et n’attribuons pas surtout à cette philosophie un caractère antisocial qu’elle n’a pas. Ce serait se méprendre que d’interpréter l’opposition bergsonienne des deux moi dans un sens égoïste ou individualiste et d’en faire le principe d’une sorte de solipsisme intellectuel.

Transcendantalisme n’est pas individualisme ; tant s’en faut. — Individualiste, à la rigueur, comment M. Bergson pourrait-il l’être ? Ne soustrait-il pas précisément son moi pur au principe d’individuation (espace) ? N’abolit-il pas en conséquence, dans cette partie profonde de nous-mêmes le sentiment de l’individualité ? — En ce sens l’intuition de M. Bergson ne peut nous conduire à opposer