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l’antinomie dans la vie intellectuelle

Conséquence rigoureusement logique des prémisses de M. Draghicesco. Puisque l’esprit supérieur s’identifie à l’esprit vulgaire, il est supérieur précisément dans la mesure où il s’assimile davantage à l’esprit de la masse. M. Draghicesco a parfaitement raison de faire du cantonnier le juge de Renan. Et la beauté de ce raisonnement consiste en ce que, le principe de M. Draghicesco admis, le lecteur ne peut plus affirmer qu’il y a une différence réelle entre le cantonnier et Renan.

Nous arrivons à la conclusion de cette discussion. Les raisons qui nous ont conduit à accorder à l’individu une certaine réalité physiologique et psychologique indépendante de la socialité entraînent comme conséquence la possibilité théorique d’une antinomie entre l’individu et la société. L’antinomie résulte de ce fait que l’individu n’étant pas un simple produit social, mais impliquant d’autres éléments (physiologie, hérédité, race) capables d’influer sur son intelligence, on conçoit qu’il puisse se produire une désharmonie plus ou moins profonde entre la pensée individuelle et la pensée du groupe. Cette désharmonie sera d’autant plus accentuée, qu’on aura affaire à des esprits mieux différenciés et plus individualisés.

M. Draghicesco ne nie pas positivement l’existence d’une antinomie entre l’individu et la société ; mais, selon lui, ces antinomies ne sont que provisoires.