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conclusions

Les partisans de l’individualisme aristocratique reprochent à l’individualisme uniciste d’être trop modeste et trop vague dans sa revendication en faveur de l’individualité. En effet cette revendication, disent-ils, porte sur une différenciation très générale et très vague. Elle aboutit à une abstention paresseuse ou à une révolte stérile. Reprendre éternellement le leit-motiv de l’unicité est le fait d’un individualisme sans intérêt, sans portée, sans grandeur et sans noblesse. Il est vrai que deux hommes ne voient pas de la même façon la même feuille d’arbre et qu’ils n’apprécient pas exactement de la même manière la distance entre deux arbres. Mais c’est là un élément bien petit et bien faible d’originalité. C’est une originalité au rabais ; c’est un minimum d’originalité ; c’est une originalité très commune et très banale puisqu’elle appartient à tous les hommes sans exception, qu’ils le veuillent ou non.

Il peut y avoir une conception plus complexe, plus riche et plus intéressante de l’originalité.

L’homme supérieur dans l’individualisme aristocratique, n’est pas celui qui nie tout lien social et toute culture ; c’est celui qui résume en lui la culture d’une époque, mais en la dépassant et en y ajoutant, en la marquant du sceau de sa personnalité. Un Léonard de Vinci, un Goethe sont des totalisateurs en même temps que des créateurs de valeurs ; mais ces valeurs qu’ils résument en eux, ils les incorpo-