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conclusions

tantanéité. L’Unicisme conséquent supprime les contrats[1].

Enfin l’Unicisme est un individualisme de l’isolement et de l’hostilité d’un contre tous. Se sentir et se vouloir diffèrent, se décerner ce brevet de différence, n’est-ce pas s’égaler à toute la société, n’est-ce pas du même coup supprimer, pour soi du moins, les obligations du pacte social ? Pourquoi en effet respecterions-nous ce pacte s’il est l’œuvre de gens avec lesquels nous n’avons ou ne voulons avoir rien de commun ?

L’individualisme uniciste revêt d’ailleurs autant d’aspects particuliers qu’il y a de modes possibles de différenciation pour les individus. — Un homme ne peut voir le monde, un homme ne peut penser exactement comme un autre homme ; de là un individualisme intellectuel. — Un homme ne peut sentir exactement comme un autre ; de là un individualisme sentimental. — Un homme ne peut avoir exac-

  1. Il est curieux de rencontrer chez Descartes, contre les contrats, un argument identique à celui que donnera Stirner. C’est cette idée que, sujets à changer, nous agissons d’une façon déraisonnable quand nous nous lions pour l’avenir. « Je mettais entre les excès toutes les promesses par lesquelles on retranche quelque chose de sa liberté… À cause que je ne voyais au monde aucune chose qui demeurât toujours en même état, j’eusse pensé commettre une grande faute contre le bon sens si, pour ce que j’approuvais alors quelque chose, je me fusse obligé de la prendre pour bonne encore après, lorsqu’elle aurait peut-être cessé de l’être ou que j’aurais cessé de l’estimer telle. » (Discours de la Méthode, 3o partie.) Cette pensée est grosse de conséquences et les réserves dont Descartes l’accompagne ne lui ôtent rien de sa portée subversive.