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conclusions

conflit inévitable entre deux choses d’ailleurs corrélatives et inséparables.

Maintenant l’antinomie entre l’individu et la société prend une signification différente, selon qu’on la considère d’un point de vue subjectif ou d’un point de vue objectif.

Entendue dans un sens subjectif, elle se pose dans le for intérieur des individus. Chaque homme un peu individualisé est, à cet égard, comme une « maison divisée ». Deux âmes cohabitent en lui, à la fois indissolublement liées et irréductiblement hostiles : l’âme sociale et l’âme individuelle. Nous sentons très bien ces deux âmes opposées vivre côte à côte en nous, se mêler, se pénétrer, ruser l’une avec l’autre, se tendre des pièges, se jouer de mauvais tours. Notre vie morale n’est que la suite des péripéties de cet interminable duel. Les deux génies qui sont en nous sont habiles à se donner le change ; ils vont parfois jusqu’à s’emprunter leurs points de vue et leurs arguments pour mieux se duper l’un l’autre. Plus d’une fois l’individu qui ne cherche dans ses attaques contre la société qu’une satisfaction de ses désirs antisociaux se persuade à lui-même qu’il obéit à une préoccupation de justice sociale, qu’il poursuit un idéal de sociabilité supérieure. Et par contre, tel autre qui prétend ou qui croit même poursuivre un but social, un idéal politique et moral supérieur, ne recherche au fond qu’une