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l’antinomie morale

sabilité individuelle, qui ne s’abrite pas derrière autrui.


Les animaux lâches vont en troupe
Le lion marche seul dans le désert
Qu’ainsi marche toujours le poète[1].


Vigny insiste surtout sur les qualités de franchise et d’indépendance morale. Gobineau sur les qualités d’indépendance et d’énergie intelligente ; Nietzsche glorifie la force sauvage et indomptée, la volonté de puissance des maîtres, destructrice et créatrice, qui renouvelle le monde, parfois au prix de terribles convulsions et de sanglantes hécatombes. Ibsen glorifie l’intelligence courageuse qui brise les vieux cadres des civilisations, qui foule aux pieds les préjugés surannés et qui dresse sur leurs ruines une vérité neuve et fraîche, destinée, il est vrai, elle aussi, à vieillir et à périr. À travers ces différences d’idéal, une valeur reste constante : la valeur de la personnalité noble, de la personnalité fortement individualisée, qui s’oppose au troupeau médiocre et servile.

À vrai dire cette morale n’exclut pas d’une façon absolue l’idée de société et de sociabilité. Parfois même elle semble aspirer à une sociabilité supérieure, exempte d’hypocrisie, éprise d’intelligence et de science (Vigny, La bouteille à la mer, Le pur

  1. Vigny. Journal d’un poète.