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les antinomies entre l’individu et la société

intérieure de l’individu à sa conduite extérieure et sociale. On déclare qu’il n’est pas une de nos pensées, un de nos sentiments, qui n’ait sa répercussion plus ou moins directe sur notre conduite et, par là, sur notre entourage. — Dès lors, comment l’art moral se désintéresserait-il de la vie intérieure, du « jardin secret » de l’individu ? Car c’est dans ce jardin secret que germent les semences qui s’épanouiront plus tard dans le grand jardin public de la vie sociale. L’art social reconnaîtra-t-il à des pensées nettement antisociales ou jugées telles le droit de s’exprimer (par exemple au pessimisme asocial ou antisocial, à l’immoralisme) ? Cela est douteux. On aurait vite fait intervenir ici le commode principe de la « direction normale » de la conscience collective et on déclarerait de telles dispositions intérieures peu conformes à la prétendue « direction normale ». Cela serait facile ; car le principe de la direction normale implique au fond l’obligation de penser comme tout le monde.

Aussi bien la concession faite par M. Bayet à l’autonomie individuelle est-elle précaire et toujours révocable. M. Bayet déclare en effet qu’en principe, dans tous les cas où il y a conflit entre l’intérêt du groupe et l’intérêt de l’individu, le premier peut être préféré comme étant l’intérêt de tous, même à certains égards de ceux qu’il lèse[1]. — Une fois ce

  1. A. Bayet. Loc. cit., p. 170.