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l’antinomie morale

lutte sans merci que la classe ouvrière soutient contre les classes possédantes qui représentent pour elle l’immoralité. — L’ouvrier anticlérical confond volontiers casuistique et jésuitisme ; de plus il est intolérant dans les choses qui touchent à la conduite comme dans celles qui touchent aux opinions et il ne respecte guère la liberté individuelle.

Cette dernière raison est d’ailleurs la raison profonde qu’on retrouve au fond de toutes les autres. La casuistique est regardée par ses ennemis comme une sophistique au service de l’instinct de liberté et d’anomie morale ; comme un prétexte qu’invoque trop aisément l’instinct égoïste toujours disposé à se dérober à l’autorité de la règle. Le grand grief qu’on a contre la casuistique, c’est moins d’avoir apporté souvent des solutions contestables, que d’avoir posé des problèmes inquiétants et d’avoir mis en honneur la discussion morale. Pour un fervent de la morale discuter le devoir, c’est déjà manquer au devoir ; c’est déjà un commencement d’anomie morale et d’immoralisme.

La tendance antiindividualiste de toute éthique s’exprime avec son maximum de force et de netteté dans la dernière venue des théories morales, la morale — science des mœurs, ou morale scientifique, ou morale sociologique qu’on pourrait appeler aussi morale sociocratique.

Cette morale renonce il est vrai à l’idée du devoir