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CHAPITRE XII

L’ANTINOMIE MORALE


La morale est l’expression idéalisée et sublimée de l’instinct social. C’est pourquoi on peut dire que l’antinomie morale résume et couronne toutes les autres antinomies.

La morale est la grande ennemie de l’individualité. Elle s’efforce, soit par commandement impérieux, soit par persuasion, d’amener l’individu à se nier lui-même. Elle voudrait abolir dans les âmes le sentiment de l’individualité, parce que ce sentiment a toujours, virtuellement au moins, quelque chose d’antisocial ; parce qu’il est un principe de diversité et de lutte, un principe de résistance et de désobéissance à la règle. — Sans doute, comme l’homme est un être complexe, comme il existe en lui deux âmes ennemies, l’âme sociale et l’âme individuelle, la morale a dû plus d’une fois tenir compte de cette dualité de notre nature et faire certaines concessions au sentiment de l’individualité. On trouve par-ci, par-là, dans les doctrines morales, particulièrement dans la morale stoïcienne et dans