Page:Palante - Les antinomies entre l’individu et la société, Alcan, 1913.djvu/257

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
250
les antinomies entre l’individu et la société

aperçu tout ce qu’il y a de contradictoire à admettre que l’individu soit lui-même l’auteur d’une machine qui a pour rôle essentiel de le dominer et de le contraindre[1]. » — S’il y a contradiction, répondrons-nous, cette contradiction est dans notre constitution mentale elle-même ; dans la dualité de notre être et dans l’antagonisme qui met aux prises en nous deux âmes opposées : l’âme sociale et l’âme individuelle. Nous ne sommes pas des êtres logiques et tout d’une pièce. Dans la mesure où nous sommes socialisés, nous avons une tendance à nous plier aux mensonges sociaux et à nous en faire les complices plus ou moins actifs et zélés. Dans la mesure où nous ne sommes pas socialisés et restons réfractaires à la vie sociale, nous répugnons à ces mensonges et nous nous insurgeons contre eux.

M. Durkheim déclare le mensonge de groupe impossible et inexistant, par la raison que les croyances collectives, étant un produit spontané d’un certain milieu social, sont par là même naturelles et véridiques. Cela n’est pas évident. « Naturel » ou « nécessaire » ne veut pas dire forcément véridique. — Quand un homme ment à son voisin (mensonge d’individu à individu ou mensonge individuel), ce mensonge a bien ses conditions d’existence. Il rentre évidemment dans le déterminisme universel et dans

  1. Règles de la méthode sociologique, p. 149.