Page:Palante - Les antinomies entre l’individu et la société, Alcan, 1913.djvu/255

Cette page n’a pas encore été corrigée
248
les antinomies entre l’individu et la société

l’esprit critique qui n’a pas encore fait son apparition.

C’est pourquoi il est probable que les premiers promoteurs des croyances collectives n’ont pas été des imposteurs, et qu’ils ont ajouté foi les premiers aux croyances qu’ils mettaient en circulation. De même, le groupe acceptait de bonne foi les croyances qui lui étaient suggérées.

A cette époque, on ne peut pas parler de mensonge de groupe. — Mais dans nos sociétés très évoluées, il n’en est plus ainsi. L’esprit critique est de plus en plus répandu, de plus en plus exigeant en fait de preuves. Les individus n’acceptent plus, les yeux fermés, les notions qu’on leur propose. Ceux d’entre eux qui acceptent les idées admises dans leur groupe savent la plupart du temps à quoi s’en tenir sur la valeur de ces idées. Ils savent que le voisin n’est pas plus sincère qu’eux-mêmes et tout le monde a conscience de la duperie mutuelle sur laquelle reposent les idées et les croyances conventionnelles. Les promoteurs des idéaux nouveaux ne sont pas plus sincères que les partisans des idéaux anciens. Tous n’ont au fond qu’une foi : la foi en l’utilité des simulacres et des faux-semblants. Ce qu’on appelle aujourd’hui pragmatisme n’est qu’une théorie et une apologie du mensonge utile. Car le pragmatisme consiste à présenter les idées socialement utiles, non comme utiles, mais comme vraies. Le pragmatisme,