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les antinomies entre l’individu et la société

du groupe. Et ils s’entendent par un pacte tacite pour accroître et au besoin pour surestimer dans le monde, avec l’importance de ces qualités, l’importance de celui qui les possède. Qui, parmi ceux du groupe, n’accepte pas cette solidarité, qui n’attache pas l’importance qu’il faut aux qualités ou caractères possédés en commun est tenu pour félon et exposé à l’hostilité de tous les autres. — Et ici encore certes, il faut faire la part de l’illusion sincère ; mais aussi celle du mensonge de groupe est évidente. Elle apparaît dans des maximes comme celle-ci : « il ne faut jamais révéler les fautes d’un collègue ».

Voilà des faits qui semblent bien attester l’existence du mensonge de groupe. Maintenant, quelle interprétation convient-il d’en donner ?

Sur l’origine et la nature des croyances collectives, plusieurs opinions ont été soutenues. Les uns, comme Hobbes et Machiavel leur attribuent une origine purement artificielle et conventionnelle. Elles sont des mensonges fabriqués de toutes pièces par les prêtres, les rois, les chefs de groupe, pour duper les foules. La société est une « machinerie » plus ou moins savamment combinée. L’humanité se divise ainsi en meneurs et en menés, en dupeurs et en dupés[1].

Suivant M. Durkheim, rien n’est artificiel, rien

  1. On peut rapprocher de cette opinion celle de Voltaire qui assigne l’imposture des prêtres comme l’origine des religions.