Page:Palante - Les antinomies entre l’individu et la société, Alcan, 1913.djvu/248

Cette page n’a pas encore été corrigée
241
l’antinomie sociologique

contradiction et ne s’effraie pas de l’illogisme. Les logiciens ont distingué les sophismes ou faux raisonnements faits dans l’intention de tromper autrui et les paralogismes ou faux raisonnements faits innocemment. Mais quand il s’agit de croyances collectives, cette distinction est vaine. La question de sincérité ne s’y pose pas avec cette netteté. Les croyances collectives ne se raisonnent pas et ne s’analysent pas. Celui qui croit ne se rend pas compte de sa croyance et il ne tient pas outre mesure à se rendre compte de sa croyance. La question ne se pose pas pour lui en ces termes tranchants : croire ou ne pas croire. On se contente de croire à demi : on croit une chose sans en être bien sûr et on y croit parce qu’on a intérêt à y croire, parce que cela, est commode, parce que d’autres y croient, parce qu’il ne serait pas convenable de ne pas y croire. Et on a bien le sentiment au fond que toute cette croyance n’est pas bien sincère ni bien sûre d’elle-même ; ce qui n’empêche pas de l’affirmer, de l’afficher et de la proclamer comme sûre et indubitable. Il y a là une improbité intellectuelle qui est comme l’étoffe spirituelle, dont sont faites les opinions et les croyances collectives.

L’individu qui pense sous la loi du groupe n’est plus entièrement lucide. Souvent il commence par adopter et par soutenir un mensonge de groupe, en sachant parfaitement que c’est un mensonge : puis, à force de l’entendre et de le répéter, il finit par