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les antinomies entre l’individu et la société

vidus différents, soumis aux mêmes conditions sociales, englobés dans les mêmes arrangements sociaux et les mêmes implications sociales, ne réagissent pas de la même façon. Par exemple, dans une situation dépendante, les uns ne chercheront nullement à manifester une volonté d’indépendance. Ils ne sont capables, à l’endroit de l’opinion et de l’autorité, que d’un sentiment et d’une attitude : le respect et l’obéissance. Les autres s’efforceront de défendre leur individualité par tous les moyens ; n’étant pas les plus forts, ils biaiseront avec les contraintes sociales, ils s’ingénieront à trouver des fissures, des trous, dans le filet social ; ils se ménageront contre la tyrannie la plus gênante ou la plus menaçante des refuges, des alliés, des compagnons de résistance.

L’opposition des deux espèces d’âmes : les âmes grégaires et les âmes individualistes n’est pas une opposition sociale, mais physiologique. Elle n’est pas un produit des conditions sociales, mais une expression de l’intime physiologie des individus. A l’individualisme sociologique qui fait de la libération de l’individu un résultat du jeu mécanique des lois sociales et qui rapporte ainsi à la société elle-même l’honneur de cette libération, on peut opposer un individualisme biologique et psychologique qui fait appel à une volonté personnelle et présociale d’individualisation.