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l’antinomie juridique

Tout droit est un droit de classe. Il protège la catégorie sociale dans l’intérêt de laquelle il est fait et refuse sa protection à ceux qui n’en font pas partie ou vivent en marge de cette catégorie.

Le droit bourgeois opprime le pauvre. Il protège les biens plutôt que les personnes. Le droit familial protège les gens mariés ; il traite le mariage comme un acte social, non comme un acte individuel. C’est pourquoi l’union libre n’a pas d’existence reconnue et ses conséquences sont presque traitées par le code comme des délits. Les enfants naturels, adultérins, incestueux, sont frappés d’une tare juridique. Le droit actuel méprise ou ignore l’individu en tant que tel ; il ne le protège qu’en tant que membre d’un groupe reconnu et autorisé. Même les lois les plus libérales, celles qui semblent relâcher quelque lien social (par exemple la loi du divorce) affirment encore en un certain sens l’asservissement de l’individu à la volonté collective. Elles l’affirment en ce sens qu’elles font partie d’un système général de contrainte. Prise isolément, la loi du divorce est une loi émancipatrice de l’individu ; mais elle forme bloc

    parquet est saisi d’une affaire de mœurs où de nombreuses personnes sont impliquées. Il pourra donc choisir parmi les complices ceux qui seront poursuivis. Tout individu sans importance ou ennemi du pouvoir sera qualifié « grosse pièce » et renvoyé devant les tribunaux ; au contraire, celui qui aura l’avantage d’être protégé par une haute situation ou une parenté puissante sera rangé dans le « menu fretin » que le parquet néglige. De minimis non curat prætor. » (José Théry, Questions juridiques, Mercure de France, 16 mars 1908.)