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l’antinomie juridique

que, quelle qu’elle soit, elle vaut mieux pour l’ordre social que l’absence de jugement qui laisserait se perpétuer un débat et une cause de trouble.

De même que le juge ne peut arguer, pour s’abstenir de juger, de l’insuffisance de la loi, le justiciable ne peut arguer de son ignorance de la loi. On connaît la fiction juridique : « Nul n’est censé ignorer la loi » axiome aussi faux que cet article : « Tous sont égaux devant la loi ». Comme si les inégalités naturelles et les inégalités sociales ne rendaient pas évidemment utopique l’égalité devant la loi. Il y a antinomie entre l’idée de loi et l’idée d’individualité. La loi, c’est l’abstraction, l’individu, c’est la vie et la diversité de la vie. Les lois ne sont que des généralisations factices où l’on fait rentrer, en les bousculant et en les détériorant, le plus possible de cas particuliers ; d’où sous une apparente unité qui repose surtout sur des mots, des heurts constants, des contradictions perpétuelles de détail.

Il faut tenir compte aussi de la déformation spéciale subie par ceux dont la profession est d’appliquer la loi. La fonction arrive fatalement à dominer l’individu. On peut assister dans la salle d’audience à cette étrange comédie de deux hommes qui, par fonction, accusent et défendent, avec une égale émotion, un individu sur lequel ils pensent souvent tout le contraire de ce qu’ils disent.

Il est vrai que beaucoup de juristes, aujourd’hui