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l’antinomie juridique

L’individu n’est rien ; il doit être trop heureux d’être sacrifié à la société et de jouer le rôle du guillotiné par persuasion.

Une pièce récente intitulée la Maison des Juges[1] décrit la mentalité juridique représentée en quatre générations de magistrats. Dans cette pièce, l’ancêtre, le vieux juge Petrus représente la raison d’État et le dogme de l’infaillibilité juridique. Bien que cette thèse soit mise à dessein par l’auteur dans la bouche d’un centenaire, elle n’est pas tout à fait abandonnée, même aujourd’hui. Si on ne condamne plus à mort, si on n’exécute plus pour la raison d’État, il reste que pour la raison d’État on serait parfois tenté de cacher la vérité, lorsque, socialement, la vérité n’est pas bonne à faire connaître. Le conflit de l’intérêt social, que ce soit l’intérêt de l’État ou l’intérêt de certains groupes influents dans l’État, et le droit individuel n’est pas près de cesser.

Au fond, encore aujourd’hui, quelle est la fin du droit et de la justice ?

La fin de la justice n’est pas de donner satisfaction au sentiment de justice des individus (on a vingt-quatre heures pour maudire ses juges). Le juge se propose avant tout de régler un différend, de solutionner tant bien que mal un conflit.

Peu importe au fond que l’une des deux parties ou

  1. De M. G. Leroux.