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les antinomies entre l’individu et la société

susceptibles d’aucune innovation, d’aucune improvisation personnelle. Si les vues de M. Draghicesco sur le développement futur de la société sont exactes, c’est à l’annihilation de toute intelligence différenciée et individualisée que marcherait l’humanité. Il ne resterait plus à la fin qu’une sorte de raison collective, anonyme, impersonnelle, se réfléchissant d’une façon uniforme dans les consciences individuelles, c’est-à-dire quelque chose d’analogue à ce qu’est l’instinct chez les espèces qui n’ont qu’une existence sociale. L’idéal de l’humanité serait la fourmilière.

Il est vrai que les sociétés humaines sont plus amples, plus mobiles, plus différenciées que les sociétés animales, ce qui, d’après M. Draghicesco, explique l’apparition de l’intelligence individualisée. Mais il s’agit de savoir où est ici la cause et où est l’effet. Or M. Draghicesco nous semble prendre l’effet pour la cause quand il affirme que la complexité des intelligences individuelles provient de la complexité croissante de l’évolution sociale. C’est le contraire qui semble vrai. La raison de la complexité et de la différenciation croissantes de la société est dans les inventions de plus en plus multipliées parmi nous. Mais l’invention est un fait biologique et psychologique avant d’être un fait social ; elle est l’œuvre d’un cerveau déterminé et non d’une vague socialité.

Le fond de l’explication sociologique est le pré-