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l’antinomie politique

vidu trouvera un recours contre l’État lui-même. Surtout, où trouvera-t-il ce recours quand l’État, selon la tendance qu’il semble manifester, aura résorbé tous les pouvoirs et toutes les fonctions sociales, quand il sera devenu le seul éducateur, le seul employeur, le seul administrateur, quand tous les citoyens seront ses fonctionnaires ? — Aujourd’hui l’ouvrier employé dans l’industrie privée peut se mettre en grève et invoquer entre son patron et lui l’arbitrage de l’État. Mais quand l’État sera le seul employeur, le simple fait de grève sera un délit de lèse-État.

La condition du fonctionnaire d’aujourd’hui est instructive. Le fonctionnaire dépend de l’État et uniquement de l’État. Donc il est sans défense contre l’État. Il lui est interdit de bénéficier du principe de la séparation des pouvoirs ; car lésé par l’arbitraire de ses chefs hiérarchiques, il ne peut les attaquer devant les tribunaux pour leurs actes administratifs. Dira-t-on que les fonctionnaires possèdent certaines garanties contre l’arbitraire administratif, par exemple le recours au Conseil d’État ? Outre que ces garanties sont difficilement utilisables et toujours incertaines dans leurs effets, elles peuvent être rendues de plus en plus vaines et finalement annihilées par un État devenu trop fort. Contre l’individu qui réclame contre l’État, il y a nécessairement collusion de toutes les influences qui dépendent de