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l’antinomie politique

n’empêche pas que la loi soit divinisée dans nos sociétés démocratiques tout comme dans la cité antique. Telle est l’autorité de la loi qu’il est convenu que les lois injustes, vexatoires, tyranniques n’en doivent pas moins être obéies, non seulement avec résignation, mais avec empressement et presque avec enthousiasme. Les moralistes citent toujours, avec une admiration utile à tous les gouvernements, la fameuse prosopopée des Lois et le grand exemple de Socrate. C’est là au fond un grand exemple de duperie civique. Socrate est un Jocrisse magnanime, un héros de naïveté. Son exemple a fortifié à travers les générations le dogme absolutiste et mystique de la souveraineté de la Loi, même mauvaise, injuste et oppressive.

    de régime politique. M. Faguet expose avec beaucoup de force l’antinomie qui existe entre le dogme de la souveraineté du peuple et les droits de l’individu. « Les auteurs des deux Déclarations des Droits de l’homme sont tombés dans une étrange confusion et une étrange contradiction. Ils ont confondu les droits de l’homme et le droit du peuple ; les droits de l’homme, de l’individu, et le droit du peuple, de la nation, de la communauté des citoyens libres… Mais les droits de l’homme et la droit du peuple ne sont point la même chose, à tel point même que le droit du peuple peut être en conflit avec les droits de l’homme. Si le droit du peuple, c’est la souveraineté, ce que précisément ont dit les rédacteurs des Déclarations, le peuple a le droit, en sa souveraineté, de supprimer tous les droits de l’individu. Et voilà le conflit. Mettre dans une même déclaration le droit du peuple et les droits de l’homme, la souveraineté du peuple et la liberté par exemple, à égal titre, c’est y mettre l’eau et le feu et les prier ensuite de vouloir bien s’arranger ensemble. Mais les auteurs des Déclarations croyaient à la fois à la liberté individuelle et à la souveraineté du peuple. Ils devaient mettre dans leur œuvre cette antinomie fondamentale. » (Le Libéralisme, p. 8.)