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les antinomies entre l’individu et la société

breuses et trop vantées qui, dans les républiques anciennes, gênaient la liberté individuelle, n’est admissible dans les temps modernes[1] ».

Benjamin Constant parle ici en libéral. Mais le libéralisme n’est pas très en crédit dans les démocraties. C’est plutôt l’esprit jacobin qui y triomphe, c’est-à-dire l’esprit civique dans ce qu’il a d’unitaire et d’inquisitorial. L’esprit jacobin, c’est la mainmise de la cité sur L’individu tout entier ; c’est l’effort pour réduire toutes Les libertés à la liberté politique. C’est la manie légiférante, la réglementation et le contrôle à outrance ; c’est la suspicion jetée sur toute volonté d’indépendance dans l’ordre des idées et des croyances comme dans celui des actes.

De, nos jours, il est vrai, l’esprit jacobin renonce à la manière forte, il prend la forme souple et discrète de l’éducationnisme, mais peu importent les moyens qu’il emploie, le but reste le même.

La loi, expression de la volonté générale, est tyrannique comme cette volonté elle-même. Montesquieu a dit : « La liberté, c’est le droit de faire ce que la loi ne défend pas. » Les démocrates répètent après lui : « La liberté, c’est le règne de la loi. » Il est clair qu’on peut tirer de cette définition de la liberté un despotisme épouvantable[2]. Cela

  1. Benjamin Constant. De la liberté des anciens.
  2. Stuart Mill, dans son Essai sur la liberté, remarque que la liberté individuelle n’a pas gagné grand chose aux changements