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les antinomies entre l’individu et la société

plus, les membres de l’oligarchie dirigeante ont besoin les uns des autres. C’est entre eux un commerce de concessions et de bons offices, un esprit de corps et une camaraderie qui exigent beaucoup de souplesse et d’intrigue, mais nulle originalité de pensée ou de caractère.

On dira peut-être que cette médiocrité de pensée et d’aspirations, commune aux dirigés et aux dirigeants, constitue précisément cette « volonté générale » dont se réclame l’idéologie démocratique. S’il en est ainsi, l’antinomie n’en apparaît que mieux entre les aspirations individuelles à l’indépendance qui peuvent malgré tout se faire jour chez quelques hommes et la volonté d’uniformité et de médiocrité qui exerce le pouvoir. « Il y a, dit Benjamin Constant, une partie de la personne humaine qui, de nécessité, reste individuelle et indépendante... Quand elle franchit cette ligne, la société est usurpatrice ; la majorité est factieuse. Lorsque l’autorité commet de pareils actes, il importe peu de quelle source elle se dise émanée, qu’elle se dise individu ou nation ; elle serait la nation entière, moins le citoyen qu’elle opprime, qu’elle n’en serait pas plus légitime. »

L’idéologie démocratique tend à résorber toutes les libertés dans la liberté dite politique. Mais la liberté politique n’est pas du tout la même chose que la liberté individuelle. Benjamin Constant a même