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l’antinomie économique

ailleurs, entre l’action individuelle et l’action collective, entre l’idée de solidarité et l’idée de liberté, entre le désir d’égalité et le désir de différenciation. Là est la source des antinomies que nous avons rencontrées soit dans l’ordre de la production, soit dans celui de la consommation, soit enfin dans le mode d’intégration des valeurs sociales.

L’individualisme représente, en économie comme ailleurs, la résistance de l’individu à la pression sociale ; le désir de l’individu d’exercer son activité économique à ses risques et périls et de réduire le plus possible la part de la contrainte sociale. Mais on peut distinguer, ici comme ailleurs, deux espèces d’individualisme.

Il y a un individualisme économique en quelque sorte négatif. C’est l’individualisme stirnérien appliqué à l’économie. Cet individualisme, poursuivi dans ses conséquences, aboutirait à l’isolement dans la production et dans la consommation, à la lutte d’un contre tous, au régime du « chacun pour soi » exaspéré. C’est l’individualisme du sauvage qui abat l’arbre pour avoir ses fruits ; c’est l’individualisme anarchiste du système de la « prise au tas » ; c’est, dans notre anarchie économique bourgeoise, l’individualisme de l’escroc, du vendeur à faux poids, du lanceur d’affaires véreuses, de tous ceux enfin qui cherchent, par n’importe quels moyens, à se tailler la part du lion ou du renard dans la richesse produite.