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les antinomies entre l’individu et la société

dualités harmonieuses, complètes, saines et heureuses. — Mais comment instaurer cette culture « organique » ? Comment éviter la division du travail et ses effets dissolvants pour l’individualité ? Comment concilier avec la socialisation de la culture, avec la démocratisation et l’égalisation des valeurs l’instinct qui porte les individualités à se différencier et à étendre sur autrui leur volonté de puissance ? Aucune culture « organique » ne fera cesser le divorce originel qui scinde l’être humain en deux parties ennemies : le moi et le nous ; la volonté d’égalité et la volonté de différenciation. Au fond, il n’y a pas une si grande différence entre la Renaissance et notre temps au point de vue de la sociabilité. La nature humaine ne change guère. La volonté de domination, d’inégalité, prend seulement d’autres formes ; à la place des barons féodaux, nous avons les barons de la finance et les rois de l’industrie. Une économie sociale et démocratique, si elle pouvait jamais se réaliser, aboutirait à vérifier l’absurde maxime populaire : un homme en vaut un autre. — Mais cet idéal d’égalité n’est jamais souhaité réellement, même par ceux qui le formulent. Sous la fausse humilité socialiste, il y a l’éternelle volonté de puissance égoïste ; il n’y a pas de vie si médiocre qui n’ait son ambition ; il n’y a pas d’égalitaire qui n’aspire secrètement à une supériorité quelconque.

Le conflit est donc profond, en économie comme