Page:Palante - Les antinomies entre l’individu et la société, Alcan, 1913.djvu/187

Cette page n’a pas encore été corrigée
181
l’antinomie économique

Les valeurs individuelles ne seront vraisemblablement pas mieux traitées en régime socialiste qu’en régime ploutocratique. On n’y recherchera qu’une moyenne de production destinée à donner satisfaction aux besoins moyens d’une population donnée. Les goûts d’exception et les besoins d’exception seront méconnus et par suite les aptitudes et les mérites d’exception seront dépréciés. Les seuls biens reconnus seront les biens communs, accessibles à l’intelligence et à la sensibilité de tous. Le socialisme n’admettra que des valeurs plébéiennes, égalitaires. La morale qui est une revendication en faveur de la justice et de l’égalité se glissera de plus en plus dans les évaluations. En dépit du mot si vrai de Schopenhauer : « En morale la bonne volonté est tout, en art, elle n’est rien » on verra la société couronner l’effort laborieux, le mérite médiocre et respectueux du goût général plutôt que l’originalité heureuse, hardie et dédaigneuse du goût moyen, de l’esthétique de tout le monde. La notion étroite de justice égalitaire viciera les évaluations des mérites et des œuvres. L’invention qui crée sera dépréciée du profit du travail qui la recueille, l’imite, la propage et l’utilise. La production intellectuelle sera dépréciée au profit de la production matérielle. Le mérite se mesurera à l’effort matériel dépensé. Et cet effort matériel aura seul une valeur morale. Peut-être évaluera-t-on l’effort dépensé dans