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les antinomies entre l’individu et la société

prochain siècle[1]. » Tel est le mètre d’évaluation : évaluation de Bourse, question de nombre. Ce mètre est significatif du mépris de notre civilisation pour le goût individuel, pour les convenances individuelles, les évaluations individuelles. Les choses valent non pour moi ; mais pour une moyenne d’hommes et elles doivent valoir pour moi par le fait qu’elles valent pour cette moyenne. Ces valeurs seules valent qui sont demandées, qui plaisent à la généralité, qui, par suite, sont déjà banalisées, qui sont cotées à la Bourse, qui répondent à des besoins très répandus ou susceptibles de se répandre largement. Cela seul vaut qui se vend ou est susceptible de se vendre beaucoup. Le règne de l’offre et de la demande est donc le règne de l’Argent. Le mètre qui s’impose à tous étant l’argent, et ce mètre n’étant discuté par personne est employé indifféremment pour mesurer la valeur des produits et celle des hommes. C’est d’après le critérium fortune qu’on juge de la valeur des gens. Vous possédez tant : donc vous valez tant. Il y a là une sorte d’application économique de la loi psychologique du transfert. L’idée de valeur attachée d’abord à l’argent en vient à s’attacher à celui qui possède l’argent. De là ce fait que la valeur intellectuelle, la plus individualisée de toutes, est généralement méprisée de la masse.

  1. Nietzsche. Aurore, § 175.