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les antinomies entre l’individu et la société

vraisemblablement disparaître toute différence de fortune, du moins toute différence un peu importante. Posséder deviendrait un crime comme aujourd’hui, en régime bourgeois, c’est un crime de ne posséder pas. Aujourd’hui du moins l’argent confère à quelques privilégiés une enviable indépendance à l’égard de l’opinion. Cette indépendance disparaîtrait. Il faudrait vivre de tout point selon le vœu de l’opinion publique qui n’aura jamais été si tyrannique qu’en régime collectiviste.

Abordons maintenant l’antinomie dans l’ordre de la consommation. — Nous trouvons ici un conflit entre une théorie aristocratique et individualiste de la consommation et une autre théorie démocratique et égalitaire.

La théorie aristocratique et individualiste est celle des partisans du luxe. Le luxe représente l’exception, le privilège en économie : le raffinement des besoins et des goûts. À ce titre, il est la raison d’être supérieure de la production : il est la fleur de la civilisation économique. L’individualiste aristocrate admet que la société n’ayant d’autre but que de produire des hommes supérieurs, il est naturel et légitime qu’une armée d’esclaves et d’ouvriers sacrifie sa vie et son idéal de bien-être démocratique au confortable et au luxe des privilégiés. On peut voir dans cette théorie du luxe une application économique de l’individualisme aristocratique des Gobineau, des