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les antinomies entre l’individu et la société

giques et des influences économiques en vue de réduire l’individu au rôle d’organe docile du mécanisme social. « Il faut apprendre à l’individu, dit M. Durkheim, à jouer son rôle d’organe. »

C’est contre cette discipline niveleuse du travail et de la division du travail que protestait Nietzsche : « Les louangeurs du travail. Dans la glorification du « travail », dans les infatigables discours de la « bénédiction du travail », je vois la même arrière-pensée que dans les louanges des actes impersonnels et d’un intérêt général ; l’arrière-pensée de la crainte de tout ce qui est individuel. On se rend maintenant très bien compte, à l’aspect du travail — c’est-à-dire de cette dure activité du matin au soir — que c’est là la meilleure police, qu’elle tient chacun en bride et qu’elle s’entend vigoureusement à entraver le développement de la raison, des convoitises, des envies d’indépendance. Car le travail use la force nerveuse dans des proportions extraordinaires ; il retire cette force à la réflexion, à la méditation, aux rêves, aux soucis, à l’amour et à la haine, il place toujours devant les yeux un but minime et accorde des satisfactions faciles et régulières. Aussi une société où l’on travaille sans cesse durement jouira d’une plus grande sécurité : et c’est cette sécurité que l’on adore maintenant comme divinité suprême. — Et voici (ô épouvante !) que c’est justement le « travailleur » qui est devenu