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les antinomies entre l’individu et la société

Il ne faut pas oublier que l’éducation reste sous la dépendance de la vie, sous la dépendance de l’expérience. L’éducation ne crée rien ; elle n’établit non plus rien de définitif. Elle n’est pas une fonction spontanée et initiatrice ; mais une fonction de seconde main, de conservation et de transmission. Elle ne crée pas les réalités mentales de demain, selon le vœu ambitieux de M. Draghicesco ; elle reçoit seulement et transmet les croyances et les préjugés d’hier et d’aujourd’hui que demain renversera peut-être.

Est-ce à dire que l’éducation n’ait aucune influence sur le développement futur de l’individu et qu’elle ne soit, dans l’évolution individuelle et collective, qu’une cinquième roue à un char ? Dans ce cas l’antinomie que nous avons exposée plus haut s’évanouirait. Mais l’influence de l’éducation, quoique très limitée, n’est pas nulle. Et dans la mesure où elle agit, elle est ou elle tente d’être une mainmise de la société sur l’individu.

Ouverte ou sournoise, puissante ou faible, cette prétention de la société à discipliner les individus a suscité chez certains penseurs une protestation théorique qui est l’individualisme pédagogique.

On peut distinguer deux formes de cet individualisme. L’individualisme stirnérien, on pourrait dire aussi l’individualisme spencérien, est tout négatif ; il consisterait à supprimer toute éducation et à laisser l’enfant se développer en toute liberté. M. Durkheim