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l’antinomie pédagogique
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socialement dégagée qu’avec le concours de tous les autres. Or il est évident que les réactions désordonnées ne peuvent que gêner les voisins, les effrayer et en conséquence les exciter contre lui[1]. » — Sans doute, répondrons-nous, l’individu a intérêt à ménager son entourage ; mais toujours ménager son entourage, c’est s’annihiler soi-même, c’est en tout cas bien se sacrifier ; c’est s’interdire tout geste imprévu, toute parole sincère, toute idée neuve ; c’est proprement renoncer à être soi-même. Dans certains cas il faut choisir entre gêner les autres et se gêner par trop soi-même.

Cette discipline éducative qui s’attache à la correction extérieure, à la circonspection, à la surveillance perpétuelle exercée sur les gestes, les actes, les paroles, les attitudes peut être excellente pour former des gens « comme il faut », de bons automates, de bonnes marionnettes sociales ; mais elle ne va pas sans froisser plus d’une fois ce qui reste malgré tout de sauvage et d’indiscipliné en nous. Sans doute il peut arriver que les qualités développées par cette éducation coïncident avec une personnalité vigoureuse, une volonté forte, une intelligence pénétrante, une sensibilité vive et originale ; mais c’est par un accident heureux que cette rencontre a lieu. Le principe des qualités réelles et

  1. Dr Toulouse. Le frein. Revue Bleue, 18 juillet 1903.