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les antinomies entre l’individu et la société

intellectuel, en soumettant l’intelligence à une discipline pour laquelle elle n’est pas faite. Les projets d’instruction intégrale, c’est-à-dire aussi poussée que possible et égale pour tous reposent sur une méconnaissance de la diversité des intelligences. Tout ne peut être enseigné à tous sans danger et sans dommage pour les intelligences soumises à ce régime. « L’intelligence, dit M. R. de Gourmont, qui a une forme générale et commune en a une particulière en chaque homme. Comme il y a plusieurs mémoires, il y a plusieurs intelligences, et chacune de ces intelligences modifiée par les physiologies propres, détermine les individus intellectuels. Loin que tout puisse être avec fruit enseigné à tous, il semble bien qu’une intelligence donnée ne peut recevoir sans danger pour sa contexture même, que les genres de notions qui y pénètrent sans effort[1]. » L’instruction n’a pas une valeur universelle ; elle n’est bonne que si elle répond à la physiologie de l’individu qui la reçoit. Il peut être de l’intérêt du groupe de tenter d’uniformiser et de discipliner les intelligences par l’instruction ; mais l’intérêt social ne coïncide pas avec l’intérêt individuel.

On dira ici que l’instruction n’est pas forcément dogmatique. L’éducation intellectualiste peut aussi revêtir la forme critique. Au lieu d’inculquer des

  1. R. de Gourmont. Valeur de l’Instruction. (Dans le Chemin de Velours, p. 88.)