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l’antinomie pédagogique

« place l’individu à sa vraie place dans le monde et dans l’humanité et doit provoquer en lui des sentiments correspondants[1] ». Il va sans dire que cette place est une place dépendante et subordonnée et que ces sentiments sont des sentiments d’obéissance et de docilité aux volontés du groupe.

L’éducation intellectualiste repose sur le préjugé objectiviste qui consiste à admettre l’existence d’une vérité en soi qui doit s’imposer à tous les esprits. Et cette vérité prend un caractère sacrosaint. On en vient à donner à l’instruction une valeur en soi. On étudie pour étudier. On apprend pour apprendre. On arrive ainsi à une sorte d’ascétisme intellectuel, à ce mandarinisme béat que Nietzsche symbolise dans le parfait philologue.

Mais autre chose est la valeur de l’instruction pour la société, autre chose son utilité pour l’individu. Pour la société, sa valeur consiste à inculquer aux individus les dogmatismes sociaux utiles. Pour l’individu cette utilité est incertaine. Pour l’individu, l’instruction peut être nuisible, soit au point de vue de la réussite dans la vie, soit au point de vue même du développement intellectuel. Au point de vue de la réussite dans la vie, en encombrant l’esprit d’idéaux scolaires auxquels la vie donne souvent un démenti ; au point de vue du développement

  1. Mauxion. L’éducation par l’instruction et les théories pédagogiques de Herbart, p. 122 (F. Alcan).