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les antinomies entre l’individu et la société

ce point sera vite atteint. Il ne faut pas oublier que M. Durkheim fait de la contrainte l’essence de toute société. Une société individualiste sera donc celle où agiraient des modes de contrainte différents de ceux qui agissent dans une société unitaire ; mais la contrainte ne disparaîtra pas pour cela. Elle sera seulement plus morcelée, plus subdivisée, plus multipliée et plus différenciée. Le pouvoir de l’opinion et les sanctions diffuses se substitueront de plus en plus aux pénalités violentes ; mais l’antinomie n’en subsistera pas moins pour cela entre le conformisme et l’aspiration à l’indépendance individuelle, entre la société et l’individu. Le libéralisme politique, comme l’a fort bien montré Stirner, est toujours un libéralisme très relatif. Toute liberté politique est au fond un mode spécial de réglementation. La liberté de la presse est au fond une réglementation de la presse ; la liberté d’association est au fond une réglementation du droit d’association ; la liberté du vote une réglementation du vote, et ainsi de suite. Tout cela suppose toujours des précautions prises contre l’initiative des individus. Et ces concessions mêmes de la société sont toujours, d’après M. Durkheim, conditionnelles et révocables. C’est pourquoi, de même que Proudhon a pu dire qu’il n’y a jamais eu, qu’il n’y aura jamais de véritable démocratie, on peut dire qu’il n’y a jamais eu, qu’il n’y aura jamais de société individualiste. — Le libéra-