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les antinomies entre l’individu et la société

cette obéissance et cette concentration » sans lesquelles il n’y a pas de vie sociale possible. Selon M. Draghicesco, le but de l’éducation est de réduire de plus en plus la contingence (diversité) sociale et de hâter, avec le processus de l’intégration sociale, l’avènement de l’humanité unifiée.

La thèse des partisans de l’unité morale soulève une question de fait dont nous devons dire un mot. Est-il historiquement exact qu’une véritable unité morale ait jamais été réalisée dans les sociétés du passé ? Cela est douteux. D’après M. Fages[1], l’unité morale est si peu une condition sine qua non de l’existence des sociétés, qu’en fait, cette unité n’a été réalisée nulle part, à aucune époque. M. Fages examine la société grecque, la société romaine, celle du Moyen Age, puis du XVIIe siècle et montre que dans ces sociétés l’unité morale n’a jamais été véritablement réalisée. « Cette unité morale dont on regrette tant la perte, dit-il, n’a jamais existé que dans ces Utopies et ces Uchronies où nous sommes conviés de temps en temps à nous réfugier comme dans un asile pour y trouver un aliment à notre sentimentalisme et à notre rêverie. » Dans une société un peu complexe et évoluée, il ne peut pas plus y avoir d’unité morale véritable qu’il ne peut y avoir d’orthodoxie réelle, et pour la même raison

  1. C. Fages. Unité morale, union des classes. Mouvement socialiste de janvier et février 1905.