Page:Palante - Les antinomies entre l’individu et la société, Alcan, 1913.djvu/145

Cette page n’a pas encore été corrigée
139
l’antinomie pédagogique

ensemble forme l’être social. Constituer cet être en chacun de nous, telle est la fin de l’éducation[1]. » Nous n’objecterons pas à M. Durkheim que les deux fins qu’il assigne à l’éducation : l’homogénéité sociale ; — la différenciation sociale, sont contradictoires en elles. Cette objection porterait à faux. Il est évident que dans la pensée de M. Durkheim, la première fin, l’homogénéité sociale, est la plus importante et qu’elle ne tolère la seconde que dans la mesure où celle-ci se subordonne à elle. — Aussi bien la différenciation sociale réclamée par la division du travail n’implique-t-elle chez les individus qu’une diversité toute extérieure, fonctionnelle en quelque sorte et qui n’entrave en rien les similitudes profondes (similitudes intellectuelles et morales) que M. Durkheim regarde comme la condition essentielle de la vie en société. L’homogénéité sociale de M. Durkheim n’est autre chose au fond que l’antique unité morale réclamée par les politiques autoritaires de tous les temps. M. Bouglé est, tout comme M. Durkheim, un partisan décidé de l’unité morale. Étudiant le problème de l’éducation à propos de la crise du libéralisme[2], il déclare qu’il y a antinomie entre la liberté de l’individu et « cette ressemblance,

  1. E. Durkheim. Pédagogie et sociologie, Revue de Métaphysique, janvier 1903.
  2. Bouglé. La crise du libéralisme, Revue de Métaphysique, septembre 1902.