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l’antinomie religieuse

valable pour les autres hommes et il croit aux résultats heureux de sa religion non seulement pour lui, mais pour les autres.

Il n’en est pas moins vrai que l’idée religieuse n’exclut pas certains sentiments antisociaux ou même qu’elle les favorise. Plus d’une fois le mystique synthétise et symbolise en Dieu ses propres dégoûts de la société, son idéal antisocial. Il se réfugie en Dieu pour échapper à une société qu’il juge odieuse et intolérable. Il s’oppose directement en ceci aux métaphysiciens de la sociologie qui divinisent la société, qui voient en elle la source de tout bien et qui l’adorent comme un nouveau Jehovah. Les apôtres de la sociabilité, un Comte, un Guyau, ont fort bien vu ce côté antisocial de la pensée religieuse. Ils ont reproché au christianisme d’être un égoïsme transcendant, d’isoler l’homme par la préoccupation du salut personnel et par là de le détacher de la solidarité sociale. C’est en ce sens et dans ces limites qu’on peut parler d’un individualisme religieux et d’une antinomie entre la personnalité et la sociabilité dans l’ordre du sentiment religieux.