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CHAPITRE VI

L’ANTINOMIE RELIGIEUSE


On peut se demander si le sentiment religieux ne donne pas lieu, lui aussi, à une antinomie entre les aspirations des sensibilités individuelles et les conformismes de groupe.

Au premier abord il semble qu’on ne puisse parler d’individualisme religieux. La religion, d’après l’étymologie elle-même, n’est-elle pas essentiellement un lien social (religare) ; lien entre les hommes et Dieu ; lien surtout des hommes entre eux[1] ?

Il convient toutefois de remarquer que cette façon d’entendre la religion n’est pas la seule possible, ni même la plus exacte aujourd’hui. Il est arrivé à la religion ce qui est arrivé à l’art. Institution sociale d’abord, elle est devenue par la suite un simple fait de conscience individuelle ; un état d’âme, une idée et un sentiment intérieurs ; elle s’est individualisée de plus en plus[2]. En accomplissant cette évolution, elle a changé de caractère. En même temps

  1. Voir Brunetière. Religion et sociologie.
  2. Voir Rémy de Gourmont. Le Chemin de velours, p. 147.