Page:Palante - Les antinomies entre l’individu et la société, Alcan, 1913.djvu/131

Cette page n’a pas encore été corrigée
125
l’antinomie esthétique

Au nom de ce principe de la volonté de puissance, il prononce la condamnation d’un certain nombre de formes d’art qui correspondent selon lui à une vitalité amoindrie : l’art réaliste, l’art pessimiste, l’art décadent, l’art impressionniste. Nietzsche condamne dans le réalisme cette objectivité, cette impersonnalité, cette impassabilité voulue (à la Flaubert) qui sont en contradiction avec sa propre apothéose de la vie. Le pessimisme est antiesthétique en ce qu’il nie la vie. Le dilettantisme, l’art décadent, l’impressionnisme sont enveloppés dans le même anathème. — Soyons moins exclusifs. Il y a bien des formes de vie et bien des degrés de vitalité. Il y a aussi bien des formes et des degrés de beauté. Sunt maltae mansiones in domo... L’art réaliste, l’art impassible à la Flaubert, l’art décadent sont des formes d’art peut-être moins puissantes que l’art classique admiré par Nietzsche ; mais cet art est le seul capable de captiver certaines natures et d’inspirer certains artistes. Il est impossible de méconnaître la beauté de l’art pessimiste d’un Baudelaire, d’un Heine, d’un Leopardi, d’un Lenau, d’un Leconte de Lisle, de même que celle de l’évocation du néant qui termine si magnifiquement le Monde comme volonté et comme représentation. Sans doute l’idée du néant n’est pas par elle-même esthétique ; mais elle peut s’exprimer au moyen d’images et de formes esthétiques. Au moment où Leconte de Lisle chante