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l’antinomie esthétique

beauté, glorifier la beauté, c’est glorifier la nature, c’est-à-dire la passion, c’est-à-dire le mal.

Jouissance sensuelle et égoïste, joie de se distinguer et d’être distingué, volonté d’individuation et de suprématie, ferment d’orgueil, d’envie et de rivalité, joie égoïste du rêveur oisif et contemplatif, oublieux des tâches et des obligations sociales, appel à la liberté de la passion et à la joie de vivre, la Beauté est tout cela et par tout cela, elle représente l’égoïsme, l’amour de la personnalité, le dédain de la morale. Elle est la Circé éternelle, honnie et maudite par les moralistes.

C’est pourquoi ces derniers ont toujours tenté de l’éliminer de l’art ou du moins de la subordonner à des idées étrangères : idée de vérité, idée du bien, idée d’utilité sociale et de sociabilité.

C’est ainsi que pour les moralistes intellectualistes la beauté se définit par la part de vérité impersonnelle qu’elle enveloppe et qu’elle exprime. Elle vaut uniquement comme moyen d’enseignement social et d’amélioration sociale. — Pour Guyau, la beauté se définit en fonction de la sympathie humaine. « Elle se mesure à la largeur et à la profondeur de la sympathie qu’elle réalise et qu’elle excite[1] » la beauté est un moyen de communion morale et de solidarité accrue. —

  1. Fouillée. Nietzsche et l’Immoralisme (F. Alcan).