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les antinomies entre l’individu et la société

la philosophie et l’éloquence seraient appelés à un éclat imprévu[1]. On peut trouver au contraire que la démocratie niveleuse, la prédominance des préoccupations politiques, électorales, etc., les progrès de la centralisation et par suite l’uniformité croissante des idées, des mœurs, du langage, du costume, de tous les aspects de la vie sociale ne sont pas de nature à esthétiser le spectacle du monde ni à favoriser l’originalité.

En art comme ailleurs jamais on n’a tant aspiré à l’originalité ; jamais peut-être l’originalité réelle n’a été plus difficile ni plus rare.

Nous avons dit, qu’à défaut de l’intolérance du public, l’individualisme esthétique encourt l’hostilité des moralistes. C’est à propos de la question de l’objet de l’art que s’accuse le conflit entre la morale qui représente l’intérêt social et l’individualisme esthétique qui fait abstraction des considérations sociales et morales. En ce sens, la théorie de l’art pour l’art est une forme de l’individualisme esthétique. En effet, pour l’adepte de l’art pour l’art, pour l’esthète pur, le but de l’art ne peut être que la représentation de la beauté. La beauté, voilà l’essentiel, l’unique objet de l’art. Aux yeux du moraliste, au contraire, l’idée de beauté est une idée suspecte, sinon franchement immorale. — Pourquoi immo-

  1. Voir G. Sorel. Les Illusions du Progrès, p. 225.