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l’antinomie esthétique

ces étalons semble de plus en plus abandonnée.

Si la tolérance du public et même des critiques à l’égard de l’individualisme artistique est assez grande de nos jours, cela ne veut pas dire que l’originalité esthétique en soit facilitée. Il en est de l’art comme de la science et de la philosophie. La part de plus en plus grande faite à l’éducation, à l’instruction et à l’imitation, la spécialisation croissante des procédés et des aptitudes, la nécessité croissante d’un apprentissage laborieux, les exigences d’une technique artistique minutieuse, les disciplines compliquées et les raffinements voulus des nouvelles écoles poétiques et artistiques sont autant de barrières à l’essor de l’imagination, autant d’obstacles à la spontanéité de l’inspiration. Il est difficile de trouver du nouveau. Les nouvelles formes d’art sont vite usées et confessent bientôt leur épuisement et leur stérilité[1]. C’est en vain que beaucoup s’ingénient à renouveler les anciennes formes d’art, à secouer les routines ; ils font rarement œuvre vivante.

D’un autre côté les conditions politiques et sociales modernes ne favorisent pas beaucoup l’inspiration. Peu d’artistes partageraient aujourd’hui l’espoir un peu naïf de Mme de Staël qui croyait que la littérature pourrait trouver dans les nouvelles conditions sociales des causes de renouvellement, que le théâtre,

  1. Voir ce que dit Huysmans de l’école naturaliste et du roman en général. (Préface de À Rebours, p. xviii.)