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les antinomies entre l’individu et la société

laquelle il existe une assez grande tolérance pour les manifestations esthétiques, c’est sans doute que les questions d’art n’intéressent pas directement le grand public ; c’est qu’elles ne touchent pas aux côtés extérieurs, visibles et tangibles de la vie sociale ni aux intérêts matériels du grand nombre. Beaucoup regardent l’art comme un divertissement et un passe-temps et admettent que de même que chacun a le droit de prendre son plaisir où il le trouve, chaque artiste a le droit d’amuser et d’intéresser son public à sa façon. — Le blâme moral et social, le désir de réglementation, de répression et de limitation de la liberté de l’art ne s’expriment chez nous avec une certaine âpreté que chez des spécialistes ou des professionnels de la morale : sociologues, éducateurs, professeurs, pasteurs.

Quant à l’intolérance proprement esthétique, elle ne se rencontre guère que dans les écoles artistiques et littéraires, les chapelles, les cénacles qui décernent aux artistes amis ou dissidents des brevets de talent ou de sottise. Les cénacles littéraires ou artistiques restent d’ailleurs assez indifférents en général au côté social et moral de l’art. L’ancienne critique dogmatique, telle que la concevaient Boileau, La Harpe, Nisard ou Brunetière, la critique qui fixait des étalons moraux, sociaux, littéraires et qui reconnaissait aux œuvres plus ou moins de valeur suivant qu’elles se conformaient plus ou moins à