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les antinomies entre l’individu et la société

Si l’on essaye de caractériser ce subjectivisme esthétique, on pourra y reconnaître les traits suivants : d’abord une tendance irrationaliste qui a pour formule esthétique, l’impressionnisme. Le monde apparaît à l’artiste impressionniste comme un flux et un reflux de sensations, comme un remous d’apparences fugaces, comme une aurore boréale ou un feu d’artifice sentimental. Le symbolisme est une autre conséquence de l irrationalisme esthétique. Si le monde tel qu’il est en lui-même nous échappe et si nous n’en saisissons que d’illogiques et incompréhensibles apparences, l’artiste ne peut ambitionner de donner de la réalité qu’une expression symbolique et il choisit forcément les symboles appropriés à sa propre sensibilité[1].

Un autre trait du subjectivisme esthétique est une prédilection pour les raffinements de la sensibilité et de l’imagination (par exemple les synesthésies sensorielles qui jouent un si grand rôle dans l’art symboliste et décadent). Enfin on peut signaler le goût de l’isolement dans la tour d’ivoire ; l’éloignement pour l’action, le dédain de toute idée morale et sociale. L’œuvre d’art devient un simple moyen d’ex-

  1. « L’individu est anormal : on ne le classe que par les limitations imposées à ses manifestations extérieures : intérieurement, il est anormal, il est un être dissemblable des êtres qui lui ressemblent le plus. L’art, que je considère ici comme une des facultés de l’âme individuelle, est donc, de même que l’individu lui-même, anormal, illogique et incompréhensible. » (R. de Gourmont. L’Idéalisme. L’art libre et l’esthétique individuelle.)