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l’antinomie esthétique

À cette époque, l’antinomie entre le groupe et l’individu est à son maximum. Le groupe répugne à toute manifestation de l’individualité ; et l’individualité est fatalement écrasée et réduite au silence. Il n’en est plus de même plus tard, du moins au même degré. Avec l’évolution des sociétés, avec leur croissance en étendue et en hétérogénéité, l’oppression sociale perd de sa force et l’individualisme fait des progrès. L’art cesse d’être uniquement un facteur coopérant à la solidarité entre les hommes.

La poésie se dissocie bientôt de la danse et de la musique auxquelles elle était d’abord unie. Elle est déjà prête à s’individualiser et elle va le faire de plus en plus par la suite. Plus nous allons, plus s’atténue le côté social de l’art ; plus s’accentue l’individualisme esthétique, comme l’individualisme intellectuel et sentimental dont il est une conséquence.

Sans doute un art rigoureusement individuel est inconcevable. L’isolement absolu de l’artiste, le pur monologue poétique, l’attitude du musicien qui joue du violon pour les araignées est un simple paradoxe esthétique. Mais on voit triompher de plus en plus chez l’artiste la tendance à exprimer ses sentiments personnels et non plus ceux de la masse. L’histoire de la poésie et du roman au XIXe siècle atteste une évolution vers un subjectivisme de plus en plus marqué.