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les antinomies entre l’individu et la société

interrogea un roi nègre et lui demanda s’il pouvait se faire obéir de ses sujets. Le roi nègre lui fit cette réponse : « Je leur obéis bien, moi ; pourquoi donc me désobéiraient-ils ? » Cette parole semble bien indiquer combien est réduit le rôle de l’autorité. Il n’y a guère d’autre moyen de se faire obéir des hommes que de leur obéir soi-même. L’homme qui acquiert le plus d’ascendant sur les autres est celui qui est le plus influencé par l’esprit de son temps et qui se modèle le mieux sur lui. Et ceci expliquerait que l’autorité ne s’attache pas spécialement à l’originalité de l’esprit ni à son affinement. Ces qualités seraient plutôt propres à empêcher de l’acquérir. Un Gœthe a souvent exprimé cette nécessité pour l’homme supérieur de s’harmoniser avec son milieu et, dans une large mesure, de se plier à lui. « Vivre, dit-il, c’est s’adapter », Or, s’adapter c’est toujours un peu obéir ; c’est sacrifier, c’est abdiquer une parcelle de sa personnalité. En conformité avec sa maxime, Gœthe se pliait assez volontiers aux exigences des milieux et des situations. Le contraste de son attitude avec celle de Beethoven lors d’une rencontre qu’ils firent ensemble de la famille impériale montre la différence qu’il y a entre une personnalité qui sait « plier » et une personnalité indomptée comme celle de Beethoven[1]

  1. Voir sur cette anecdote une lettre de Beethoven à Bettina von Arnim citée dans le Beethoven de M. Romain Rolland. « Bee-